Avec les commentaires de l'associé directeur de Boyden, Roger T. Duguay
Ce communiqué de presse a été publié à l'origine par les affaires. Cliquez ici pour voir le communiqué de presse original.
RECRUTEMENT. Les gestionnaires ne ressemblent plus à ce qu’ils étaient. Sous l’effet de facteurs générationnels et sociétaux, voire technologiques, les pratiques de gestion ont profondément évolué ces dernières années. La pandémie n’a joué qu’un rôle d’accélérateur de tendances déjà à l’œuvre. À l’heure de la pénurie de main-d’œuvre et alors que la moitié des travailleurs au Canada envisagent de chercher un nouveau poste au cours de cette année, selon un sondage récent de la firme Robert Half, tâchons de comprendre les grandes dynamiques en cours dans le monde du leadership.
Le monde économique a toujours connu des changements, mais sûrement pas avec une telle vélocité. Ce qui oblige les gestionnaires d’aujourd’hui à considérer l’incertain comme une norme. « Cela peut paraître paradoxal, mais ils doivent avancer dans l’inconnu avec confiance », résume Maryse Leduc, responsable de l’expertise leadership et transformation culturelle au sein du cabinet Brio. Selon elle, le gestionnaire nouveau doit se positionner dans un état d’esprit d’éternel apprenant, avoir l’humilité de remettre en question ses certitudes, mais aussi être capable de prendre du recul pour mieux anticiper les modifications de son environnement.
Conséquence immédiate : les organisations doivent être plus agiles pour s’adapter constamment. Comment ? En donnant aux équipes les moyens et les compétences pour pouvoir agir de manière autonome.
Le vieux style de gestion basé sur la commande et le contrôle (« Je te dis quoi faire, comment le faire et j’inspecte à la fin ») se trouve logiquement en décalage croissant avec les attentes nouvelles des salariés. « On est passé du contrôle à la confiance, confirme Isabelle Alain, directrice de la recherche de cadres chez Robert Half. Ce balancier se traduit par une posture plus bienveillante, authentique et empathique ». Selon Maryse Leduc, ces nouveaux gestionnaires « vont laisser de la liberté à l’intérieur d’un cadre qu’ils devront fixer ».
Nathalie Francisci, présidente exécutive pour l’est du Canada chez Gallagher, parle pour sa part de plus grande chaleur humaine et d’une capacité à mobiliser. « Les nouveaux gestionnaires sont moins des coachs que des champions qui vont se battre pour leur équipe », estime-t-elle.
Cette souplesse change radicalement le rôle des gestionnaires. « Dans une organisation agile, il n’y a pas moins de leaders, mais ils n’ont plus la même fonction. Ils doivent être en soutien de l’autonomie des équipes en leur donnant des ressources et des objectifs », indique Xavier Thorens, président du cabinet de chasseurs de têtes Thorens Solutions. Pour lui, les profils sont aujourd’hui plus recherchés pour leurs qualités humaines que pour leurs aptitudes techniques. Ils doivent ainsi posséder de fortes compétences en communication et en facilitation.
Si les pratiques changent, les aspirations des gestionnaires changent également. « Les jeunes générations sont moins motivées par l’argent et recherchent des projets plus alignés avec leurs valeurs personnelles », constate Roger Duguay, fondateur et directeur du bureau montréalais de Boyden, cabinet spécialisé dans le recrutement de hauts dirigeants. Ce dernier remarque l’essor des enjeux environnementaux et sociaux, mais aussi de diversité et d’inclusion lors de discussions pour pourvoir des postes de cadres.
« On ne reviendra plus comme avant, cinq jours par semaine au bureau avec des semaines de 70 heures. La nouvelle génération aspire à autre chose », confirme Nathalie Francisci. Ce constat vaut aussi pour les employés eux-mêmes, ce qui influe directement sur les pratiques des gestionnaires. Maryse Leduc estime que les salariés ont désormais besoin d’adhérer à une vision. « Les leaders qui ne prennent pas le temps d’expliquer le pourquoi de leurs décisions vont se heurter à plus de résistance. »
Enfin, il s’avère que les nouveaux gestionnaires se montrent de plus en plus volatils. L’effet de la pénurie de main-d’œuvre ?
Pas seulement, répond Roger Duguay. « Il est moins excitant de passer 30 ans dans la même entreprise que de vivre six belles carrières de cinq ans dans six endroits différents. On s’attend aujourd’hui à faire beaucoup plus de choses dans sa vie », assure-t-il.
Le fondateur et directeur du bureau montréalais de Boyden doit parfois sensibiliser ses clients à cette nouvelle réalité. « Ils rêvent que leurs gestionnaires prennent leur retraite chez eux. Je leur recommande de se réjouir s’ils leur donnent déjà plus de cinq ans », sourit-il.